
Récit de ma première semaine à Zongozotla
Mardi, il est 4 heures du matin lorsque nous quittons (Carlos missionnaire américain et moi) la grande ville de mexico city que je n’ai encore jamais vu aussi silencieuse et paisible, pour nous mettre en route en direction de Zongozotla. Au fil du voyage, les larges et vastes plaines désertiques laissent la place aux collines verdoyantes, la vision des vaches broutant allégrement sur ces collines me fait penser à l’emmental, et puis finalement, c’est la lente montée sur une route bien accidentée, régulièrement bloquée par des blocs de rochers, qui nous mènent tout en haut d’une montagne, là où a été construit le village.
Café, pain, tortillas, haricots et poulet nous accueillent dans la cuisine où nous nous asseyons au coin du feu. Nous arrivons juste à temps pour le déjeuner que nous partageons avec une dizaines de personnes. Elles nous content les dernières nouvelles de la région. Contrairement à ce que l’on pourrait supposer, il ne fait pas chaud partout au Mexique. Les dernières semaines ont été glaciales par ici et le gel matinal a causé beaucoup de dégâts particulièrement aux plantes de café. La récolte qui se terminent dans quelques jours sera moins bonne cette année et ainsi le revenu aussi…
Mercredi, l’aménagement de mon logement se fait de manière collective. Pendant que je déballe et mets en place, je suis accompagnée de la chambre à la cuisine par une dizaine de femmes qui me donnent des conseils (le lit plus à gauche, la commode contre l’autre mur…) et c’est l’occasion pour moi d’apprendre mon premier mot de totonaco (lit = putama). Je remarque que la vie en communauté a beaucoup d’importance dans les cultures indigènes. Tant eux que mois sommes confrontés à une autre manière de vivre les relations. Au fil des rencontres et des discussions dans le village, je peux observer l’étonnement et même l’incompréhension que je suscite… Leur surprise est grande de savoir que cela fait quelques années que je ne vis plus sous le toit de mes parents mais le cauchemar serait pour eux de partir seul aussi loin de sa famille. Paradoxalement par nécessité, beaucoup de familles sans déchirées, les femmes séparées de leur mari, les enfants de leur père qui est parti aux USA afin de gagner assez d’argent pour subvenir aux besoins de sa famille.
Jeudi soir est l’heure de ma première leçon de la formation biblique que je donne dans trois églises de la région. Le début du cours a été annoncé pour 18 heures, après 1h30 d’attente nous avons décidé de commencer avec les 3 participants présents. Une longue discussion avec eux m’a permise de découvrir que l’offre du séminaire (cours biblique) ne correspond pas vraiment aux demandes et besoins de ces églises (travail avec les enfants et les jeunes, prédications). Je vais devoir élargir le champ de mes activités. L’habitude d’étudier, de lire, de dire son opinion n’est pas ancrée dans la culture et beaucoup de femmes certaines analphabètes ne sont pas venues par peur de devoir lire et d’autres parce qu’elles ne comprennent pas l’espagnol. J’avais opté pour une manière d’enseigner qui met l’accent sur la participation de chacun, car finalement ce n’est pas ce que je raconte mais bien ce qu’ils racontent, leurs réflexions, interrogations et solutions qui sont intéressantes. Le défi est grand et le chemin sera long, mais j’ose espérer et rêver qu’avec le temps chacun partagera son avis et son récit de vie (les femmes aussi !).
Vendredi et samedi auront été pour moi l’occasion de visiter les deux autres églises (Huitzilan et Pahuatla) et de partager leur culte. Là aussi, les différences peut-être culturelles de vivre sa foi se sont fait remarquer. J’ai été attristé d’entendre parler d’injustices qui règnent dans la région comme la volonté de Dieu qu’il faut accepter (le fait de se faire rouler dans le prix du café, le fait que toute sa production de café disparaisse et que l’on ne soit pas payé). Comment de telles injustices peuvent-elles être la volonté de Dieu ? Pour le moment j’écoute humblement pour tenter de comprendre la culture, son fonctionnement et sa manière d’agir, de réagir… mais je n’ai pas pu m’empêcher de penser aux prophètes, en particulier Amos, qui ont dénoncé plus d’une fois les injustices sociales, juridiques, économiques de leur époque.
Le simple fait de partager le quotidien confronte les uns et les autres à une autre manière de voir le monde, de vivre la vie. C’est un apprentissage qui je l’espère mènera à un enrichissement mutuel. Le premier rendez-vous a déjà été pris pour un échange de connaissance culinaire : tortillas versus biscuits !
Et pour terminer, on dit de la culture Totonaca que c’est une culture avec trois cœurs (fête, joie et sourire), sourire d’ailleurs légendaire représenté tout au long de son histoire par des masques. Et c’est vrai, j’ai pu découvrir tout au long de cette semaine des personnes généreuses, souriantes et avec un grand cœur. Voilà la plus belle découverte de cette première semaine à Zongozotla.
